Selon l'ACAPS et Me Azzedine Kettani, seule une exclusion expresse dans le contrat d'assurance peut justifier que l'assurance décès adossée à un crédit ne couvre pas la mort par pandémie. Celle-ci ne peut être assimilée à une catastrophe naturelle. La lenteur de la procédure d'indemnisation suite aux décès installe doute et appréhension chez les familles des défunts.
Parmi les 6.854 personnes emportées par la pandémie au Maroc, entre le 10 mars et le 18 décembre 2020, plusieurs avaient, de leur vivant, contracté des crédits immobiliers auxquels des assurances décès emprunteur étaient adossées légalement.
L’objet de ce type d’assurance est le remboursement par la compagnie du solde du prêt immobilier contracté par l’emprunteur décédé pour éviter la saisie du bien.
Pour ce faire, la banque demande aux ayants droit de prouver la mort du défunt en présentant un certificat de décès. Or, selon quelques témoignages reçus par Médias24, certains établissements bancaires et leurs filiales d'assurances tentent d’assimiler le décès dû au Covid-19 à une catastrophe naturelle.
Novembre dernier, une personne ayant contracté un crédit immobilier est décédée à la suite d’une contamination au Covid-19. Lorsque sa famille a entamé les procédures administratives nécessaires auprès de sa banque à Casablanca, celle-ci a demandé des pièces justificatives en plus du certificat de décès. Il s'agit “des résultats du test PCR, des analyses, des comptes rendus des scanners thoraciques ainsi que ceux de l’hospitalisation”, nous confie un proche du défunt.
Une demande qui, selon l’avocat de la famille, ne constitue pas un cas isolé. Elle traduit une tentative d’assimilation de la mort due au Covid-19 à une catastrophe naturelle. Ce qui permettrait à l'assurance d’éviter le remboursement du crédit.
Si le doute s'installe, c'est parce que depuis le démarrage des démarches administratives fin novembre, la famille n'a reçu aucun retour de la banque.
L'assurance peut-elle assimiler le décès résultant d'une contamination Covid-19 à un événement catastrophique ? Lorsque l'emprunteur décède du coronavirus, est-il couvert par l'assurance décès de son crédit ?
L'assurance décès couvre la mort due au Covid, sauf... exclusion expresse
Joint par Médias24, Me Azzedine Kettani, avocat fondateur du cabinet "Kettani Law Firm" et professeur universitaire, explique que "le décès dû au Covid-19 est couvert par l’assurance décès sauf exclusion expresse par les conditions de la police d’assurance". Mais cette exclusion n'est généralement pas prévue selon Me Kettani.
C'est ce que nous confirme l'ACAPS (Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale). Il faut se référer aux conditions du contrat d'assurance et vérifier que la mort due à une pandémie ne fait pas partie des exclusions de garanties. Si tel est le cas, le décès résultant d'une contamination au coronavirus sera couvert par l'assurance décès.
"A ce jour, nous n'avons reçu aucune réclamation dans ce sens", nous assure une source au sein de l'ACAPS qui précise, par ailleurs, que l'Autorité dispose d'un service de réclamation dont l'équipe est chargée de recevoir les doléances des citoyens qui s'estiment lésés par un organisme du secteur des assurances ou de la prévoyance sociale et ce, même en ligne
"Le rôle de l'ACAPS est de faire respecter la loi", souligne la même source.
"La pandémie actuelle ne rentre pas dans la qualification de catastrophe naturelle"
Selon Me Azzedine Kettani, “la pandémie actuelle ne rentre pas dans la qualification de catastrophe naturelle et n’a été qualifiée comme telle dans aucun pays et par aucun gouvernement”.
“Au Maroc, l’état de catastrophe naturelle est décrété par le gouvernement. La déclaration de cet état est faite par arrêté, après avis de la commission de suivi. Cet arrêté précise les zones sinistrées, la datation ainsi que la durée de l’événement catastrophique (les crues, inondations, tremblements de terre et tsunamis)”, poursuit Me Kettani avant de souligner que “le ministère de l’Intérieur tient un registre spécial de ces événements”.
C’est en effet ce que prévoit la loi 110-14, instituant un régime de couverture des conséquences d’événements catastrophiques, modifiant et complétant la loi 17-99 portant code des assurances.
Dans son article 6, cette loi dispose que la déclaration de la survenance de l’événement catastrophique est établie par un acte administratif publié au Bulletin officiel, dans un délai qui ne peut excéder trois mois à compter de la date de ladite survenance. Et ce, après avis de la commission de suivi des événements catastrophiques, instituée en vertu de l’article 9 de ladite loi.
La publication de cet acte administratif a pour effet, selon l’article 7 de la loi 110-14, de “déclencher l’opération d’inscription des victimes sur le registre de recensement" ainsi que "la mise en œuvre de la garantie contre les conséquences d’événements catastrophiques". Mais aussi, de déclencher "le processus d’octroi des indemnités par le Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques".
Or, comme le précise Me Azzedine Kettani, “la pandémie n’a donné lieu à rien de tout cela ni au Maroc ni ailleurs".
Source : Media24 (Voir l'article d'origine)18 décembre 2020 - Sara Ibriz -